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Mélange des genres

25 août 2011

Ex tempore

 

Routa 40. Argentina.

Dans le bus qui nous conduit de Bariloche à El Chalten.

 

Il semble qu'à tout instant le plateau sur lequel roule notre véhicule pourrait basculer derrière le ciel, glisser comme une nappe qu'on retire d'une table.

Après quelques kilomètres - les heures n'ont aucun sens - je ne sais déjà plus si l'espace qui compte pour nos vies est celui dans lequel nous sommes assis ou celui qui, au-dehors, caresse les vitres avec obstination.

Où est passé le réel ? Je ne peux croire que nos consciences minuscules aient quelque chose à voir avec cette réalité-là.

J'allonge mes jambes et dérouille mes chevilles en mouvements lents. J'étire mon dos avec le même souci de calme. Je sens mes muscles, mes articulations. Je regarde mes mains posées sur mes cuisses, désormais inutiles.

Je suis des yeux des choses que je ne vois pas.

L'esprit, la connaissance, jetés contre un espace empli de lui-même, sont-ils ridicules tout à coup !

Un guanaco courre, affolé, le long d'une clôture sans fin.

Puis plus rien.

Plus rien n'est détachable de l'ensemble.

Le monde est devenu ce bloc titanesque teinté du bleu immense et d'une plaine d'ocres qui sommeillent.

Juste un peu de buée, de temps à autre, devant les yeux. Rappel d'une existence qui ne vaut que par le chemin qu'elle suit.

Un autre véhicule roule longtemps à notre hauteur puis nous double et finit  par disparaître au-devant.

Vers le Sud. Au-delà du visible.

Alors que nous tournons le dos à la marche du monde, la vibration des roues nous porte vers un temps dissocié de l'attente.

 

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30 mai 2011

Exposition

 

Exposition « Et tant dans le passage »

Poésie baignée à l'encre

Partant d'une envie commune de peindre et d'écrire autour du thème du passage, Nicole Senlis et Catherine Vannier Bigot, l'une au pinceau, l'autre à la plume, se sont attachées à expérimenter ensemble le rebond créatif.

L'une sème deux mots, une courte phrase, jamais plus. Et l'autre se saisit de l'émotion transmise pour laisser venir un geste spontané sur le papier. Unité de lieu, unité de temps, tout se joue dans l'instant. Puis, plus tard, quand l'encre du peintre a reposé, l'œuvre revient baigner l'auteur et abreuver l'envie de poème. Le rebond est né, le passage s'est ouvert.

                                Encres sans légendes

             Poèmes non illustrés

                                                           Juste un rebond

                                                           Et une série d'échos

 

Nicole Senlis – plasticienne

Catherine Vannier Bigot – auteur  

 

LIBRAIRIE LES VENTS M'ONT DIT

19 quai L'Herminier

à PORNIC (Loire-Atlantique)

du 5 au 30 mars 2011

4 novembre 2010

Rio : vision écliptique d'une ville-fantasme

Perceptions éclatées :

Une circulation colossale et puis tout d’un coup la route qui plonge dans une mer de nuages épaisse comme une soupe. Des virages, une pente sans fin et les premiers faubourgs. La circulation devient embouteillage, les gens vont vers leur boulot en ville, je vois des visages tendus et fatigués sous la pluie fine. Parmi les nombreux panneaux publicitaires qui jalonnent les avenues d’entrée de ville : des conseils de prévention liés à l’épidémie de dengue qui sévit alors, une campagne d’appel aux dons par l’Armée du salut…et Charles Aznavour en concert la semaine suivante.

La gare routière apparaît, cernée de taxis d’un jaune pâle, très éloigné du jaune ensoleillé du drapeau national.

La pluie redouble ; il fait si sombre qu’on dirait déjà la nuit ; de la fenêtre de ma chambre d'hôtel je vois l’arrière d’autres immeubles, garnis de blocs clim. J'achète un parapluie pour affronter tout ça au mieux mais aucun parapluie n’a le pouvoir de protéger d’un déluge pareil.

Quand je regarde les amoncellements de buildings gris, les rues sans âme ni unité, les commerces criards et les voitures pressées, je me dis que l’urbanisme est un métier à respecter et même à glorifier.

Copacabana by night est plus sexy que by day. Comme la plage est éclairée par de grands spots, on peut encore jouer au volley à minuit, c’est pratique.

Je prends le "bonde" (un tramway historique…prononcer "bondjché") pour grimper vers Santa Teresa. Le wagon aux bancs de bois grince comme une porte de confessionnal ; ça tourne, ça virevolte, ça se traîne. Au loin : la Baia de Guanabara. En bas : les favelas, toujours suspendues au plus pentu du relief ; on ne sait qui, de la pluie divine ou de la profondeur infernale, les a déposées là, à la limite de la chute ou sur les marches de l’élévation ?

Matinée ensoleillée à Ipanema. Des jeunes gens à la peau foncée poussent des fauteuils roulants garnis de personnes âgées à la peau claire, quand d’autres plongent en apnée pour nettoyer les fonds marins. Dans l’air presque limpide, des pailles-en-queue effectuent de grands vols circulaires.

Un gamin, pour qui le plus grand danger n'est visiblement pas là, traverse un tunnel routier à 6 voies en poussant son vélo. Je crois dans un premier temps à un mirage ; et puis non, il est maintenant de l’autre côté, son visage ne reflète aucune terreur.

Le Corcovado sous la promesse d’une éclaircie. Là-haut, à 710 m, les nuages rôdent; quelques secondes de visibilité par-ci, quelques secondes de visibilité par-là… Juste le temps d'apercevoir les plages et les promontoires rocheux assaillis de végétation, comme autant d’obus projetant le vert dans le bleu.

4 novembre 2010

Les étapes de l'itinérance appliquée au voyageur au long cours

Avant d’arriver dans un lieu inconnu : les lectures, les conversations et l’imagination bâtissent tout un monde, à la fois flou et très vaste ; la pensée se gonfle de visions ; des projets, nombreux et variés, s’échafaudent. L’impatience et l’envie d’atteindre vont grandissantes.

En arrivant : les yeux cherchent avidement les images que le cerveau avait construites, en découvrent d’autres. La stimulation est à son comble, renforcée par la simple jouissance d’être arrivé.

Le premier jour : souvent un phénomène de déception s’installe ; on avait tout imaginé plus grand, plus riche. L’échelle des possibles semble se réduire comme une peau de chagrin.

Les jours suivants : des détails, des évènements, quelquefois infimes, viennent donner du relief et des perspectives à ce qui, hier encore, paraissait plat et limité. Les ambiances, les atmosphères, les gens rencontrés se mettent à prendre le pas sur les lieux et les décors. On engage un processus d'installation éphémère ; on s'aménage une base-vie à partir de laquelle le corps et l'esprit entrent dans une valse, tantôt fébrile, tantôt ralentie, de captures et d'abandons.

4 novembre 2010

Des frontières d'Hoedic

Des frontières d'Hœdic
je ne sais pas grand chose

L'éblouissement des eaux
l'acharnement des hommes
à vouloir à tout prix
fut-il suicidaire
faire d'un lieu si ténu
le flacon du délice

La noce où tout le monde va
rire et boire
et quoi d'autre
quand le ciel dit tout
et que la terre si plate
se voit dans l'iris vert
de la lignée des frères

L'alliage brut de l'espace et du vent
où tanguer, où pleurer
sur des lignes cassées
sur des mélancolies
sur des moteurs noyés
et des amours naissantes

Le translucide de Porz Gwenn
comme un piège liquoreux
avant d'aller au bar
sur l'eau comme à terre
ritournelle obsédante
qui se voudrait joyeuse

La quête du jambon bleu
et le doux de la lande
où tous alignent leurs pas
jamais las vraiment

On s'épie, on s'enlace
on se passe de témoin
« ici, on est bien »

L'absence de colline
pour soustraire sa vie
aux croisements du village

Juste le sable
et des asperges sauvages

Les verres de ceux qui vivent bas
face au miroir lesté
quand ceux qui rêvent haut
s'enquillent les marées

Et puis…

Le miracle de la mer
épuisante et ogresse
léchant les pieds de la faiblesse
levant le cœur au-dessus des yeux
et le reste aussi
vers les bouches de Kotor

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19 mai 2010

L'estafilade

Très simplement les mots s’échappent des lèvres

Ils volent, ils filent

Harmonieux

Et tranquilles

Ils fendent l’air et paraphent l’avenir :

« Je vais partir »

C’est facile. On trempe le doigt dans une eau bleue, translucide

Les images montent vers la surface

Les visages de tous se penchent, leurs yeux se perdent

Chacun puise ce qu’il a longtemps cherché

Les mains s’immergent, puis les coudes

Joyeuses éclaboussures

On se dévêt, on imagine plonger les uns à la suite des autres

Mais non

La peau frissonne

Ira-t-on seulement jusqu’aux épaules ?

Les soupirs jonglent avec les désirs :

Je, tu, elle vers le départ

Seule alors. Avec derrière soi le ruban soyeux de ceux qui tout à l’heure

se penchaient

Leur chuchoter, leur dire qu’au devant déjà la vue se trouble

Et ce n’est pas encore la lumière aveuglante

Et ce n’est pas encore le vent de la steppe

Le plexus gémit comme un tout petit enfant

La rive familière s’écarte

Et délave ses teintes dans le lavoir aux eaux vives.

19 mai 2010

Ouessant

Départ

Pour la dernière fois je regarde le port du Conquet et les chalutiers mouillés dans l’eau verte

La lumière du matin est généreuse, et nette

Le Vieux Logis ouvre ses portes aux habitués

Je m’assieds juste à côté de l’entrée

Ainsi je peux voir leur arrivée et la patronne les embrasser

A bord

Ca y est, l’Enez Eussa s’éloigne du continent

Entre le soleil et moi le profil d’une femme s’interpose un instant

Derrière son visage la vitre est maculée de sel

Sur la passerelle les sourires des touristes ont jailli

Je m’adosse au bastingage pour observer Molène approcher dans le tumulte du courant

Escale

L’Enez Eussa s’amarre au quai quelques minutes

Cinq passagers mettent pied à terre et se dirigent vers le bourg sans se retourner

Les maisons se sont groupées autour du clocher pour échapper aux vagues

Je cherche à distinguer le cimetière

Ce n’est pas aujourd’hui que je trouverai la tombe ancestrale

Plus le temps d’y penser

Molène disparaît dans la lueur éblouissante de l’Est

Arrivée

Ouessant en octobre

Au revoir la vie du continent. Au revoir tout le monde

Je suis arrivée. Ilienne pour quelques jours

Oubliez-moi, je suis heureuse

Programme

Je vais rassembler mes pensées, en faire un paquet bien ficelé puis les disperser au vent

Gonfler mon cœur aussi

Le répandre sur la lande tout autour de l’île

Je vais offrir, caresser, recevoir

Ne faire que ça

Laisser l’air entrer partout

Immerger mon corps dans l’eau fraîche

Fixer longtemps le plafond latté de bois

Profiter des draps blancs

Pousser la chaise devant la fenêtre et m’asseoir chaque fin de journée devant l’Ouest enflammé

J’ai posé quelques livres choisis et du papier sur la table à l’étage

Je sais qu’ils sont là, à portée de regard et de main

Tout va bien

Je vais pouvoir écrire

Créac’h

Aimer

Aimer un phare. C’est idiot mais c’est possible

J’aime autour de lui. J’aime par lui

Il fouette l’air de la nuit et en fait des merveilles

La beauté m’appartient

Je nage dedans dès mon réveil

Les oiseaux ont commencé leur journée sur la grève en contrebas

J’entends leurs cris monter jusqu’au lit

La lumière inonde un coin de la table

C’est là que je pose mon bol

Là que je pense avec gourmandise aux heures qui vont venir

Transformation

Je suis devenue minuscule et sans volonté

Je suis un corps vivant dans le monde du vivant

Pénétré, oxygéné, remué, lavé

Plage

Un écrin d’eau féconde, d’algues brunes

Et de cailloux polychromes

Sourire

Je souris

Tu souris

Nous sourions

Librement, béatement

Besoin de rien

Simplicité de moyen

Abondance du bien

48°27'6'' Nord

5°07'8'' Ouest

Il faut alors faire demi-tour

Reposer son sac à bord

Et franchir à nouveau le Fromveur

La houle nous roule sans que personne ne s’en inquiète

J’ai chaud dans le dos et froid devant

La terre se rétracte

Il me semble que je la vois pour la première fois.

4 mai 2010

Karakoram, quatre syllabes pour un tremplin

A l'heure où le Pakistan apparaît si souvent associé au spectre du terrorisme, j'aime me rappeler que cette « chaîne noire » qui s'étend au nord du pays a sa part de lumière. Elle fut pour moi l'étincelle qui engendra le voyage.

Auparavant, j'avais parcouru quelques kilomètres en poussette entre Cachan et Champigny-sur-Marne, dévalé deux ou trois pentes en tricycle puis à vélo puis à skis, et approché à pied les rondeurs du Jura, des Aravis et des Grisons. Pas grand-chose de plus.

J'avais 22 ans quand le rêve inespéré, et même informulable, de partir caresser les contreforts de sommets himalayens se présenta.

Une grande école parisienne, l'IGS, associée à Sylvain Saudan, avait imaginé l'impossible pour quelques coureurs entraînés et une poignée d'étudiants inconscients : les réunir pour un marathon titanesque. Dénivelé, longueur des étapes, nombre de participants... les chiffres pèsent d'un si faible poids dans la mémoire et la mesure des lieux !

Je me souviens d'une ville, Skardu, qui dès l'aube s'animait en soulevant la poussière. Je me souviens d'une rivière opaque et tumultueuse : le Baltoro, qu'il a fallu franchir sur un pont tressé, pas vraiment rassurant, qui dansait dans le vent. Je me souviens d'une vallée, large et indolente, qui accueillait l'Indus. Je me souviens d'hommes qui portaient dans leurs bras des enfants. Je me souviens d'un ciel net, écrasant, aveuglant. Je me souviens de villages aux regards ébahis. Je me souviens de sable, de rocs et de glaciers.

Un chiffre tout de même : 5017 mètres, l'altitude du col de Skoro. Pour certains, les opiniâtres, les teigneux qui dans la pente enneigée avaient fourni l'ultime effort, ce fut le point d'arrivée de la course. Pour moi, ce fut le tremplin initiatique, celui qui mène vers tous les points du globe.

4 mai 2010

L'île Stagadon, une irrésistible attraction

De tous temps les îles ont attiré les hommes. Peut-être avant tout parce qu’elles font naître et renaître ce désir d’isolement plus ou moins flou et récurrent que nous connaissons tous.

En cela Stagadon n'est pas différente des autres.

Posée à l'embouchure de l'Aber Wrac'h et à quelques encablures seulement du littoral, elle est trop proche du continent pour ne pas appeler les regards et susciter les convoitises de ceux qui, à terre, se tournent à un moment ou à un autre vers le large.

Vue de loin, on peut dire que le mystère premier de l'île réside dans sa forme. Stagadon n'a pas une forme mais des formes. Selon qu'on l'observe depuis Lilia, depuis la Baie des Anges ou depuis la presqu'île Sainte Marguerite elle apparaît tantôt massive, rocheuse et resserrée, tantôt étirée, basse et sablonneuse. Tantôt puissante, tantôt fragile. Etincelante et grossie par le plein soleil, grise et presque diluée par la brume ou la pluie fine.

Protéiforme et charmeuse.

Ce qui fait la réputation avérée de l'île n'a rien de mystérieux : c'est une plage magnifique et des eaux limpides aux faux airs de lagon. Alors si l'on n'est pas propriétaire d'une quelconque embarcation, à rame, à voile ou à moteur, on se débrouillera pour trouver quelqu'un qui puisse nous y déposer quelques heures pour goûter les lieux.

C'est au sud ou à l'est de l'île qu'on jette l'ancre pour un mouillage, là aussi qu'on tire son kayak sur le sable. Débarquer sur Stagadon (par beau temps !) cela commence souvent par trois sensations fortes : celle (glacée) venue de l'eau qui saisit les chevilles, suivie de celle (veloutée) venue du sable qui flatte la plante des pieds et enfin celle de l'éblouissement.

Aborder Stagadon, c'est être sûr d'en prendre tout de suite plein les yeux. Le sable de la plage est en effet une poudre extrêmement fine et claire, truffée de grains de mica, qui atteint des sommets de virtuosité dans l'art de capter et réfléchir la lumière. Pendant que les pieds profitent du velours (un contact chaud à la surface et frais dessous quand les orteils s'amusent à creuser légèrement), le regard embrasse le parfait croissant que forme la plage.

Un peu plus haut, à mi-pente, des galets blanchis, polis, arrondis et récurés à grandes eaux doivent être franchis pour atteindre l'herbe épaisse et alors, peut-être, se lancer dans un "grand" tour de l'île : 4 hectares à marée haute ! Certains îliens d'un jour ne vont même pas jusque là, profitant simplement du sable pour pique-niquer…voire ne rien faire du tout. Car après tout, "aller à Stagadon" est un programme en soi et on n'a pas besoin d'y ajouter une activité pour mériter son bonheur.

Sur la façade ouest de l'île, le décor est tout autre. L'herbe grasse ne côtoie plus le sable mais de grandes roches nues exposées aux vents dominants. C'est là que la vue maritime est la plus large : de l'Ile Vierge dans le nord-est jusqu'à celle d'Ouessant dans le sud-ouest, il n'y a plus de terres visibles mais toute une farandole de chaos rocheux et de balises qui rappellent aux marins que le coin est un des plus mal pavés de la côte du Nord Finistère : Malouine, Pendante, Libenter…

En contrebas, les eaux de la Manche font une dernière démonstration de leur caractère avant de se fondre à quelques miles plus au sud dans celles de la Mer d’Iroise. Des plongeurs palment autour des laminaires qui s'allongent dans le courant. Sur les rochers couverts de fientes, des goélands par dizaines font tant de bruit qu'on les croirait des centaines. Un peu au-delà des voiliers rentrent au port par le grand chenal de l'Aber Wrac'h. L'air est vif alors on revient vers la plage, retrouver son embarcation pour repartir d'où on est venu, avec dans sa besace un contentement de Robinson et (souvent) quelques bons coups de soleil.

Si on le peut, il faut venir tôt dans la matinée, aux heures où seuls les oiseaux devisent. Ou attendre la tombée de la nuit, quand tous les phares et feux des environs (Ile Vierge, Lanvaon, Ile Wrac'h, Créac'h, Four…) entrent dans leur danse lumineuse.

Pourquoi l'île attire t'elle donc tant les visiteurs ? La plage est très belle, certes, mais celles de la presqu'île Sainte Marguerite toute proche sont de sérieuses concurrentes, et bien plus faciles d'accès. Au final, il semble que pour beaucoup le fait d' "aller à Stagadon" s'apparente à une sorte de rituel, de pèlerinage. Un pèlerinage païen dans lequel les pensées intimes sont tournées vers l'enfance, l'été et le goût de la liberté.

Stagadon est une île de traditions : on y vient au moins une fois durant l'été, seul ou le plus souvent en famille. Rien n'y change ou presque. Tandis que les lapins et les rats la grignotent en sous-sol, la mer et le ciel continuent de la sublimer.

L'île Stagadon est en réalité une sorte d'antithèse de l'isolement maritime. D'abord parce qu'un regard circulaire promené sur l'horizon depuis le point le plus élevé de l'île rencontre plus de terre que de mer. La côte, souvent très proche, est parsemée de constructions en gris et blanc.

Ensuite parce qu'en été on peut être quasiment certain de ne pas pouvoir passer une journée sur l'île sans croiser quelqu'un.

Stagadon, loin de constituer une séparation entre la côte et le large, se révèle plutôt être un éminent lieu de rencontre. Rencontre avec ses souvenirs d'enfance, rencontre avec le microcosme maritime, rencontre avec ses alter ego du Pays des Abers.

Une sorte d'éden partagé, secret local pas si bien gardé.

4 mai 2010

Les dames de nage - Bernard Giraudeau

Bernard Giraudeau est un artiste. Sensible à la beauté du monde, à celle des visages, à celle des silences et des moments rares. Chercheur d'harmonie et fin observateur qui ne garde pas pour lui les perles les plus précieuses mais les offre en partage.

Il signe là un livre (qu'il qualifie de roman, mais le terme a été soigneusement placé entre parenthèses…) où les souvenirs personnels affluent : l'enfance à

La Rochelle

, l'engagement à 16 ans dans

la Marine

, les deux tours du monde, et la passion du cinéma (dans la salle de la cinémathèque de

La Rochelle

d’abord puis derrière la caméra en reportage). Les femmes aussi, les femmes surtout, viennent, nombreuses et polymorphes, hanter les pages et envahir les rêves, les plus suaves comme les plus extrêmes.

Car Marc Austère, le narrateur, rêve autant qu'il vit. Ou plutôt rêve sa vie en ne la vivant pas. Et c'est là tout le sujet du livre : "Ce temps libre que j'enchaînais dans une petite boîte et que je filmais sans jamais le vivre".  Ses 2 compères et amis, Diego et Michel, qui tracent leur route au Mali, dans la forêt amazonienne et au Chili suivent en réalité les mêmes chemins tortueux (Michel trouvant même la mort après avoir trop longtemps erré à la poursuite du vent) que le narrateur : celui de l'infinie quête de soi, celui de la recherche de l'amour idéal qui « dort sous les paupières ».

Avec Bernard Giraudeau, le regard porte loin et large. Les mots sont choisis, polis, posés comme autant de marches qui conduisent au tremplin de l'imaginaire. Le suivre est un délice.

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