L'estafilade
Très simplement les mots s’échappent des lèvres
Ils volent, ils filent
Harmonieux
Et tranquilles
Ils fendent l’air et paraphent l’avenir :
« Je vais partir »
C’est facile. On trempe le doigt dans une eau bleue, translucide
Les images montent vers la surface
Les visages de tous se penchent, leurs yeux se perdent
Chacun puise ce qu’il a longtemps cherché
Les mains s’immergent, puis les coudes
Joyeuses éclaboussures
On se dévêt, on imagine plonger les uns à la suite des autres
Mais non
La peau frissonne
Ira-t-on seulement jusqu’aux épaules ?
Les soupirs jonglent avec les désirs :
Je, tu, elle vers le départ
Seule alors. Avec derrière soi le ruban soyeux de ceux qui tout à l’heure
se penchaient
Leur chuchoter, leur dire qu’au devant déjà la vue se trouble
Et ce n’est pas encore la lumière aveuglante
Et ce n’est pas encore le vent de la steppe
Le plexus gémit comme un tout petit enfant
La rive familière s’écarte
Et délave ses teintes dans le lavoir aux eaux vives.